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«Le coronavirus en avance sur les décisions politiques»

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 «Le coronavirus en avance sur les décisions politiques»

 

Le Coronavirus est en avance sur les décisions politiques d’après le rapporteur de la commission d’enquête parlementaire sur la gestion de l’épidémie, Eric Ciotti  ( interview dans l’Opinion)

Alors que l’épidémie connaît un rebond, l’exécutif prend-il toutes les mesures nécessaires, selon vous ?

De bonnes décisions ont été prises mais je trouve que, depuis le début de la crise, nous avons souvent eu un temps de retard sur les évènements. Or l’anticipation est la clé si on veut éviter un nouveau confinement général qui serait une catastrophe économique et sociale. Je prends naturellement l’exemple des masques. Il est le plus révélateur. Le port du masque était jugé totalement inutile en janvier ; je n’aurai pas la cruauté de rappeler les déclarations de nos responsables politiques, du Président au ministre de la Santé, allant dans ce sens. Aujourd’hui il est en train de devenir enfin obligatoire, mais je trouve qu’on a perdu un temps précieux cet été à cause d’une forme de cacophonie qui a fait douter les Français. On a été confronté à des situations ubuesques où le port du masque était obligatoire, au sein d’une même commune, du côté d’une rue et pas de l’autre, dans le centre-ville mais pas dans les quartiers mitoyens… On a toujours l’impression que le virus avance plus vite que les décisions politiques.

Quelles mesures supplémentaires appelez-vous de vos vœux ?

Tous les critères se dégradent. L’incertitude sur le développement de la propagation du virus continue à s’imposer à nous tous. Il y a aujourd’hui une inquiétude majeure alors que nous allons entrer dans l’automne : c’est la conjonction de l’épidémie classique de grippe saisonnière, qui généralement conduit à une tension dans les services hospitaliers, avec celle du coronavirus. Si cela arrive, notre système hospitalier ne pourra y faire face. Le travail que nous avons mené au sein de la commission d’enquête parlementaire me conduit donc à demander l’obligation de la vaccination contre la grippe et les infections à pneumocoque pour tous les résidents d’Ehpad et de façon générale sa recommandation, voire son obligation, pour tous les plus de 65 ans. Rappelons que 92% des décès dus au coronavirus ont concerné des personnes de plus de 65 ans. Il faut également mettre en place plus efficacement une réserve sanitaire intervenant en milieu hospitalier, mais aussi la développer pour les établissements médico-sociaux qui se sont retrouvés, au cœur de la crise, très démunis en personnel. J’appelle aussi à la vigilance sur notre capacité de tests. Le système est en train de connaître une embolie. Les délais de résultats sont trop longs. Il faut encore le développer.

 

Jean-Michel Blanquer maintient la rentrée au 1er septembre. A raison ?

Oui, naturellement. Durant le confinement, beaucoup d’élèves n’ont bénéficié d’aucun enseignement, puis après le 1er juin d’un enseignement en mode dégradé. Il faut donc très vite retrouver le cours normal des choses pour des raisons éducatives, mais également sociales. Cela doit s’accompagner de toutes les mesures de protection évidentes. Je demande pour ma part que l’Education nationale assure gratuitement à tous les élèves la distribution de masques, puisque leur port devient obligatoire à partir de 11 ans. Les familles socialement fragiles ne peuvent supporter ce coût. De façon générale, au-delà de l’école, je propose que les masques, puisque leur caractère obligatoire se généralise, soient pris en charge par l’Assurance-maladie. C’est une mesure de justice et surtout de prévention. Notre pays ne consacre pas assez de moyens aux politiques de santé publique et de prévention. Alors que les grands pays développés y réservent 10% de leur budget d’assurance-maladie, c’est seulement 5% en France. Mieux vaut financer les équipements de protection avant, qu’avoir à assurer des coûts d’hospitalisation gigantesques après.

Quelles sont les questions, au vu de vos premiers travaux au sein de la commission d’enquête parlementaire, que vous souhaitez approfondir cet automne ?

Nous avons établi très clairement un défaut d’anticipation face aux crises sanitaires. Depuis 2012, nous avons baissé la garde : nous n’étions clairement pas prêts en termes de moyens. Nous avons également mis en lumière notre dépendance extraordinairement dangereuse à quelques pays, notamment la Chine, en matière d’équipements comme les masques et les respirateurs, et de médicaments stratégiques comme les anesthésiants, les hypnotiques ou même le Doliprane dont la production dépend totalement de l’étranger. Il nous reste à approfondir le sujet le plus grave, qui personnellement me choque beaucoup : celui de la prise en charge des personnes âgées dépendantes au cœur de la crise.

Pourquoi ce sujet des Ehpad vous a-t-il particulièrement heurté ?

Nous avons établi, de façon irréfutable et non contestée sur la base de chiffres fournis par la direction générale de la santé, que les personnes âgées y résidant n’ont pas bénéficié d’un accès normal à l’hôpital et au sein de l’hôpital aux services de réanimation. Il y a eu 10 500 morts dans les Ehpad auxquels s’ajoutent 4 500 décès à l’hôpital de personnes âgées venues d’un Ehpad. Cela signifie que deux tiers des personnes âgées en Ehpad touchées par le Covid n’ont pas été hospitalisées. C’est un sujet essentiel car je suis persuadé que beaucoup de vies auraient pu être sauvées. C’est la mission d’un grand pays de prendre soin jusqu’à la dernière minute de façon décente de ses aînés. Face à cette réalité, nous serons amenés à faire des propositions. Il faudra aller vers des structures beaucoup plus médicalisées et beaucoup plus en lien avec l’hôpital. Les établissements qui ont connu le plus de décès sont le plus souvent des structures privées ou associatives qui sont sans lien structurel avec l’hôpital. Je pense que Brigitte Bourguignon qui était la présidente de notre commission, désormais en charge de l’autonomie au sein du gouvernement, a pleinement conscience de ces enjeux.

Quelles sont les prochaines auditions auxquelles vous allez procéder ?

Les deux Premiers ministres ayant eu à gérer cette crise, Edouard Philippe et Jean Castex, le ministre de la Santé, Olivier Véran, l’ambassadeur de France en Chine, afin de d’avoir des éléments sur le degré d’information des autorités françaises sur l’apparition du virus, les responsables du secrétariat général de la défense et la sécurité nationale, à l’origine en 2013 d’une nouvelle doctrine dont personne n’a eu connaissance parmi les principaux concernés… Nous serons amenés également avec le président de la commission d’enquête, Julien Borowczyk, à nous rendre en Allemagne afin de comprendre pourquoi, confronté à la même situation que nous, ce pays a eu trois fois moins de morts. Nous rendrons notre rapport début décembre.

 


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